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Le tabagisme : une question d’écologie de la santé ?
AU CARREFOUR D’ENJEUX SANITAIRES, SOCIAUX ET... ECONOMIQUES !
L’article ci-dessous est le texte initialement intégral de l’article paru dans le mensuel " l’Age de Faire " de juin 2011. http://lagedefaire-lejournal.fr/
Est-ce le fait des très nombreux sujets alimentaires, sanitaires et environnementaux qui ont mobilisé la vigilance des consommateurs et lanceurs d’alerte que nous sommes ?
Est-ce le fait que les pouvoirs publics ont développé une approche normative d’une certaine citoyenneté autour des comportements dits « à risques » ?
Est-ce le fait d’une fragmentation entre la « santé publi-que » et la « santé environnementale » ?
Toujours est-il que la préoccupation portée sur la réalité des enjeux du tabagisme et de l’industrie du tabac semble assez peu présente dans les milieux écologiques.
L’objectif n’est pas de relancer le débat sur la nocivité de la cigarette, car, à priori, tout le monde la connaît. L’objectif n’est ni de culpabiliser ni de « dénoncer » les fumeurs.
Indépendance respectable des comportements individuels ou manque d’informations, toujours est-il que la consommation du tabac, au même titre que d’autres produits altérant notre santé, questionne encore notre tentative de cohérence entre nos militances et la protection de notre propre écologie personnelle.
Les données les plus récentes estiment à pratiquement 4 millions de personnes le nombre de victimes du tabagisme dans le monde, et « pronostiquent » un seuil de 10 millions de décès par an d’ici les années 2020 à 2030, dont 70 % surviendraient dans les pays en développement. (1)
La Politique de l’Industrie du Tabac
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Un telle hausse dans les pays en développement ne doit rien à la fatalité. Il est le résultat d’une « politique commerciale » des Industries du Tabac qui n’hésitent devant rien, et agissent de façons éhontées en tentant de séduire des enfants de huit à dix ans auxquels sont offerts des gadgets en fonction du nombre de « packs » de cigarettes achetés ! !!
Pour faire face à la chute de 8 % de la consommation du tabac en Europe occidentale, les cigarettiers comptent dorénavant sur une augmentation de 16 % de leurs ventes en Afrique.
Les méthodes employées qui se réclament de stratégies commerciales relèvent de procédés mafieux : d’abord arroser un pays du tiers monde en cigarettes quasi gratuites –en favorisant l’introduction de tabac en contrebande, comme au Niger-, assurer une addiction de plus en plus importante de la population et notamment des jeunes par un sponsoring sportif et musical très agressif. Ensuite dénoncer la contrebande auprès des gouvernements pour les inciter à ouvrir des usines locales liées à la vente de cigarettes. En un mot initier une filière en créant tout simplement l’offre et la demande... pour pouvoir ensuite négocier avec l’Etat concerné et proposer de « réguler » le marché ! (2)
En août 2010 il a été révélé que le cigarettier «British American Tobacco (BAT) » lançait une campagne publicitaire « Fausse cigarette : vrai risque » visant à laisser croire que les cigarettes de contrebandes présenteraient des substan-ces toxiques accrues par rapport aux cigarettes « dûment » manufacturées, et laissant supposer que les cigarettes manufacturées, elles, seraient sans risque.
Or, parmi les 264 tonnes de tabac saisies par les Douanes en 2009, seules 56 tonnes étaient réellement des cigarettes contrefaites potentiellement plus dangereuses pour le consommateur.
L’Industrie du Tabac s’est comporté en Cartel n’hésitant devant aucune manipulation. Le fait n’est pas nouveau. Dès 1950 alors que des études scientifiques paraissent qui montrent que 94 % des cancers du poumon se produisent chez les fumeurs, les Industriels du Tabac se coalisent pour créer les moyens de maintenir la controverse le plus longtemps possible, en engageant des scientifiques véreux, en déversant de l’argent sale sur des politiques... et des journalistes.
Les conflits d’intérêts qui lient certains scientifiques aux industries agroalimentaires ou pharmaceutiques, existent aussi avec l’industrie du tabac.
Le dernier en date celui liant le « professeur Rylander », en Suisse, présenté comme expert indépendant, finalement dénoncé comme financé par l’Industrie du tabac. (3)
Au cœur de la dépendance et de l’incidence sur les neurones : la nicotine.
Une réalité pharmaco-biologique méconnue très souvent : la NICOTINE - l’alcaloïde provoquant le phénomène de dépendance - est belle (!) et bien un PESTICIDE et un INSECTICIDE.
Si l’on met en cause à juste titre sa responsabilité sur le plan de la neuro-toxicité, elle est aussi, comme l’ensemble des autres pesticides responsables de troubles de la fertilité masculine (spermatogenèse) et présente également des risques de concentration dans le lait maternel par exemple.
La médicalisation du sevrage tabagique apparue autour de la loi Evin de 1992, majoritairement fondée sur des substituts nicotiniques a participé à brouiller la compré-hension du grand public, et la tendance a manifestement été vers une sorte de « légitimation » de la nicotine. Pour autant la Conférence Mondiale sur le tabac ou la santé (WCTOH), dans sa session de juillet 2006, s’est cru autoriser à définir comme un défi actuel que de s’interroger sur cette question de « nicotine » pharmaceutique.
La WCTHOH dit : « Certains enjeux actuels ont fait l’objet de débats animés. Ainsi la promotion de produits du tabac moins nocifs ou de nicotine sans tabac, la commandite de l’industrie pharmaceutique, et la transformation des compa-gnies de cigarettes en organismes sans but lucratif en sont quelques exemples » (voir 1)
Ainsi les médicaments d’aide au sevrage du tabac sont donc majoritairement des substituts nicotiniques et très (trop) peu sont les spécialistes en tabacologie à s’émouvoir de la considération pharmaceutique prêtée à un pesticide. (4)
Pourquoi s’arrêter de fumer ?
Si l’on connaît bien aujourd’hui la causalité connue ou probable de la consommation du tabac dans un certain nombre de cancers (larynx, poumon, œsophage, vessie, pancréas, estomac, col de l’utérus), sa responsabilité certaine dans un certain nombre d’affections telles que cardiopathies, accidents vasculaires cérébraux, maladies vasculaires périphériques, broncho-pneumopathies chroni-ques, le grand public connaît moins bien d’autres incidences.
Fumer diminue la fertilité. Fumer ne nuit pas seulement au fœtus, mais aussi à l’ovule prêt à être fécondé. C’est ainsi que les femmes qui fument et désirent un enfant doivent patienter en moyenne deux fois plus longtemps que les non-fumeuses avant d’être enceinte. Telle est la conclusion d’une étude réalisée sur plus de 4.000 femmes de dix pays d’Europe. Un demi paquet de cigarettes par jour semble être le seuil à partir duquel la fertilité féminine diminue de façon mesurable.
Fumer augmente le risque de naissance prématurée. Les femmes enceintes qui fument risquent plus que d’autres de donner naissance à un enfant prématuré. En revanche, les femmes qui arrêtent de fumer avant la grossesse ne montrent pas de risque plus élevé. Un groupe de chercheurs suédois a effectué cette étude chez plus de 240.000 femmes. En comparaison avec des non-fumeuses, les femmes enceintes qui fument 10 cigarettes ou plus par jour encourent un risque 1,6 fois plus grand d’accoucher avant la 32ème semaine, et un risque 1,5 fois plus grand d’accoucher entre la 32ème et la 36ème semaine. (5)
Le tabagisme passif, dont les industries du tabac, Imperial Tobacco notamment, voudraient nous faire croire qu’il est sans conséquence pour la santé des non-fumeurs respirant la fumée des autres, est aujourd’hui incriminé dans les maladies du cœur et du cancer. Effectivement, diverses études (6) ont démontré que la Fumée de Tabac dans l’Environnement (FTE) comprend plus de 4.000 produits chimiques, certains reconnus des plus nocifs tels que la nicotine, le goudron, le monoxyde de carbone, le benzène, le chlorure de vinyle, l’amoniac, le cyanure, l’arsenic, le formaldédyde... Au moins cinquante de ces produits sont des cancérogènes connus. D’autres seraient des agents mutagènes capables de changer la structure génétique des cellules !
Moins connu sans doute aussi le lien avec l’environ-nement.
Savons-nous que sécher un hectare de tabac nécessite la destruction d’un hectare de forêt !
5 millions d’hectares de forêts sont ainsi détruits chaque année : rapport d’environ un arbre pour 300 cigarettes
La politique de santé publique.
La question de la consommation du tabac et ses incidences sur la santé est complexe.
Elle interpelle les Pouvoirs publics qui ont responsabilité à informer sur la dangerosité d’un produit, voire à en limiter la consommation.... ces mêmes Pouvoirs publics qui n’oublient pas de récupérer un volant de taxes qui relèvent pratiquement d’une activité de « dealer ». Ainsi en 2010 les taxes sur le tabac auront rapporté plus de 10 milliards à l’Etat
Elle « agace » les consommateurs du tabac qui entendent pouvoir faire ce qu’ils veulent dès lors qu’ils engagent leur choix et leur responsabilité individuelle... mais qui, par ailleurs, et c’est normal dans notre solidarité sociale, peuvent faire appel aux ressources publiques pour bénéficier de soins médicaux.
Il ne devrait pas y avoir d’opposition entre la « responsabilité publique » de l’Etat, et la « responsabilité individuelle » des individus....dès lors que ces derniers ne seraient pas considérés comme des délinquants potentiels portant atteinte à une image vertueuse de la citoyenneté.
Entre répression du premier et parfois inconscience des seconds, la politique de santé publique devrait être une véritable Education et Promotion de la Santé, voie qui dans le domaine du tabagisme a hélas été trop abandonnée au profit de la promotion de substances médicamenteuses vantées pour aider à l’arrêt de la consommation.
Depuis peu une nouvelle directive européenne est appliquée. Elle vise à faire en sorte que les cigarettes soient vendues dans des paquets standard ne comportant aucun logo, à l’exception des images des campagnes de prévention contre le tabac.
Et..... la réaction de l’Industrie du tabac ….
Face à cette mobilisation, l’industrie du tabac, tente de « moraliser » sa communication en prétendant porter une attention sur la santé publique, n’hésitant pas à énoncer que la nicotine ne serait pas un facteur de dépendance ! Pourtant, après bien d’autres, c’est le ministre de la santé du Canada, Allan Rock (7), qui a dénoncé les pratiques « trompeuses » de l’industrie du tabac consistant à camoufler les véritables dangers de ses produits, à renforcer la dépendance des fumeurs et à séduire une clientèle de jeunes mineurs. Ces propos ont d’ailleurs été confirmés par Jeffrey Wigand, biochimiste et ancien directeur de recherche chez Brown & Williamson (8), compagnie sœur d’Imperial Tobacco. Après avoir été congédié M. Wigand a révélé les méthodes employées par cette firme, comme celles consistant à modifier la composition des produits afin d’entretenir l’accoutumance du consommateur.
Les méthodes de marketing reposent de plus en plus sur d’autres imprégnations par l’image. Ainsi s’était-on aperçu que les films de cinéma des années 1990 mettaient en scène plus de fumeurs que ceux des années 1950 ? Qui sait que Sylvester Stallone a signé un contrat de 500.000 dollars avec une firme du tabac dans lequel il s’engage à fumer leurs cigarettes dans cinq longs métrages ? (9)
Wayne Mac Laren (10) le beau cow-boy solitaire au visage buriné par l’aventure et les intempéries, qui dans la plaine consumée par le soleil couchant allumait la cigarette, -mannequin qui a vendu son image pour promouvoir la tendance « virilité tabac » de Malboro-, est décédé en 1995 d’un cancer du poumon. «Les slogans diffusés ont bercé ma propre existence» disait-il en décembre 1994 à la presse de Los-Angeles, et poursuivait : « J'ai ainsi sacrifié la moitié de ma vie d'homme à un passe-temps inutile qui va m'ôter l'autre moitié. Mais si je détourne un seul gamin de ce chemin, j'estime que je n'aurai pas perdu tout mon temps ».
Et les médicaments pour s’arrêter ?
Nous avons parlé précédemment de la « nicotine » comme agent provoquant l’addiction. Chacun pourra en tout bon sens s’interroger sur le rôle d’une nicotine « pharma-ceutique » prétendant résoudre cette même addiction.
Les récentes communications concernant le « médiator » ont mis sur le devant des médias d’autres médicaments utilisés en sevrage tabagique, tels le « Champix » et le « Zyban ».
La revue Marianne (8-14 septembre 2007) énonçait très justement un célèbre pneumologue parisien, président de l’office de prévention du tabagisme, qui, lors d’une interview, donnait la vedette au « Champix »... ce même scientifique cité parmi les experts engagés par le laboratoire Pfizer pour promouvoir ce produit.
« Santé Canada » rapporte que deux cent vingt-six incidents d’effets neuropsychiatriques nocifs ont été rapportés suite à sa mise en vente en avril 2007 !
Quant au «Zyban » il suffit de se reporter à la liste des éventuels effets secondaires fournie par le laboratoire pour constater que plusieurs d’entre eux relèvent principalement des troubles qu’il prétend prévenir au niveau d’un sevrage : « agitation, anxiété, irritabilité, dépression, maux de tête, vertiges, tachycardie, etc »
Les incidences des médicaments agissant sur la sphère neuro-biologique ne sont pas innocents. L’être humain est un être multidimensionnel et complexe. Ce qui trame sa réalité physiologique et en résonance aussi avec ses divers degrés d’expression : psychologique, émotionnel, affectif, relationnel, comportemental.
C’est la raison pour laquelle, l’expérience en tabacologie démontre que la prise en charge en ce domaine doit être globale, holistique et doit prendre en compte l’individu sur ses diverses dimensions.
De fait l’arrêt du tabac par un sevrage tabagique naturel, construit sur une approche comportementale, psycho-émotionnelle, lié à une hygiène de vie et à un dévelop-pement personnel, peut être un merveilleux défi pour sa santé et un dynamique positionnement de vie.
Philippe COURBON
Educateur de Santé
Conférencier Formateur
Spécialisé en sevrage tabagique depuis vingt-cinq années, concepteur du programme « Santé sans tabac »
(1) 13ème Conférence mondiale sur le tabac ou la santé (World Conference on Tobacco or Health, WCTOH) juillet 2006
(2) Enquête du film « Tabac : la conspiration » de Nadia Collot, 2006, trois ans d’enquête dans les coulisses de l’industrie du tabac sur trois continents : Amérique du Nord, Europe et Afrique.
(3) http://www.prevention.ch/ry11.htm
(4) http://www.nicotinepesticide.com/Scandaleux.html
(5) The New England Journal of Medicine 1999 ; 341 p. 943-948
(6) O.M.S., Centre International de Recherche sur le Cancer
(7) Santé Canada, novembre 1999, communication publique de 1.200 documents émanant de la Compagnie-mère d’Imperial Tobacco, la British American Tobacco.
(8) Film « Révélations » de Michael Mann avec Al Pacino et Russell Crowe, 2002.
(9) http://www.stoptabac.ch/fr/Coach/stallone.html
(10) Depuis septembre 2010 Malboro a tourné le dos à son célèbre cow-boy, et ses magasins « Malboro Classics de France » ont été rebaptisés « MCS ». Ce changement de nom est la conséquence de plusieurs condamnations de l’enseigne de prêt à porter pour publicité indirecte en faveur d’une marque de tabac.
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